Loi Elan : ces mesures qui concernent les propriétaires

Bail mobilité, encadrement des loyers, contrôle des locations touristiques, réduction des délais d’expulsion locative: passage en revue des dispositifs phares instaurés par la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, promulguée en novembre.

Au terme de plusieurs mois de débats, la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan) a été définitivement adoptée par le Parlement à l’automne dernier et publiée au Journal officiel en date du 24 novembre 2018. Le texte, fort de ses 234 articles, concerne d’abord la construction, le secteur HLM et la lutte contre les marchands de sommeil. Mais il intègre aussi certaines mesures destinées spécifiquement aux particuliers. Cela se traduit notamment par la création d’une nouvelle catégorie de contrat de location de bien immobilier, la réintroduction de l’expérimentation de l’encadrement des loyers initiée par la loi Alur de mars 2014, un durcissement de la répression contre les locations touristiques de courte durée illégales et le renforcement de l’arsenal législatif contre les squatteurs. Tour d’horizon.

Le bail mobilité, pour la location meublée de courte durée

Défini par l’article 107 de la loi Elan, le bail mobilité a été pensé pour répondre aux besoins de mobilité professionnelle toujours plus grands des jeunes actifs, qui ne trouvaient jusque-là aucun contrat de location adapté à leur situation. Il s’adresse exclusivement aux personnes (étudiants, apprentis ou salariés) qui recherchent un logement le temps d’une mission temporaire, d’une formation professionnelle, d’un travail saisonnier, d’un stage, à l’occasion d’une mutation professionnelle ou d’un engagement volontaire dans le cadre du service civique. Le motif justifiant l’utilisation d’un bail mobilité doit impérativement figurer sur le contrat.

Ce nouveau dispositif ne porte que sur des logements meublés du parc locatif privé. Sa durée, librement fixée lors de la signature, est obligatoirement comprise entre un et dix mois (contre un an pour un bail en meublé classique). Surtout, il n’est ni renouvelable, ni reconductible. Le bailleur peut néanmoins prolonger une fois l’échéance du bail par avenant, et dans la limite de la période des dix mois. li ne dispose pas du droit de donner congé à son locataire (il doit attendre que le bail arrive à son terme). L’occupant peut, en revanche, mettre fin à son contrat à tout moment, à condition de respecter un délai de préavis d’un mois. Il n’a pas à en justifier le motif.

Si le locataire décide de rester dans les lieux au-delà des dix mois, il lui faut alors signer un bail meublé classique.

Autre particularité:aucun dépôt de garantie ne peut être demandé par le propriétaire. Celui-ci a néanmoins la possibilité de bénéficier de la garantie Visale contre le risque de loyers impayés ou de dégradations locatives. Précision: la colocation est possible, mais sans clause de solidarité entre les locataires. Autrement dit, chaque occupant n’est responsable que du paiement de sa part de loyer.

Enfin, aucune disposition de la loi Elan ne prévoit de spécificités en matière fiscale concernant le bail mobilité. En conséquence, les revenus provenant de ce mode de location sont, au même titre que les autres locations d’un logement meublé, imposés à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), et non dans celle des revenus fonciers.

ENCADREMENT DES LOYERS : UN RETOUR À TITRE EXPÉRIMENTAL

Dans son article 140, la loi Elan organise le retour de l’encadrement des loyers en zone tendue. Mais si le nouveau texte reprend les grandes lignes du dispositif initié par la loi Alur de mars 2014, il apporte des modifications tenant compte de l’annulation, fin 2017 par la justice administrative, de sa mise en application à Paris et à Lille.

Cette fois-ci, le gouvernement présente le principe comme une expérimentation pour une durée de cinq ans.
Par ailleurs. le dispositif reste optionnel. l’initiative en est ainsi laissée aux communes sur le périmètre de leur choix. Les métropoles situées en zones tendues (où subsistent des tensions anormales du marché locatif) peuvent déposer une demande auprès du ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales jusqu’au 24 novembre 2020. À noter que l’encadrement des loyers pourra être appliqué sur décision préfectorale à la demande de certaines collectivités.

En cas de non-respect du plafond de loyer, le propriétaire récalcitrant devra, sur injonction du préfet, procéder au remboursement du trop-perçu. En cas de refus, il s’expose à une amende de 5.000 euros (15.000 euros s’il s’agit d’une personne morale, comme une agence immobilière ou une plateforme). De plus, le locataire pourra exercer une action en diminution de loyer.

DES SANCTIONS ACCRUES CONTRE LES LOCATIONS TOURISTIQUES

Dans son article 145, la loi Elan impose un nouveau tour de vis aux locations touristiques meublées de courte durée, de type Airbnb, dans les grandes villes. Il s’agit notamment de rassurer le secteur hôtelier face à l’essor abusif du phénomène de locations saisonnières enregistré ces dernières années, principalement à Paris.

Pour éviter la multiplication des logements touristiques, la loi Elan accroît d’abord les sanctions pénales et financières à l’encontre des loueurs qui ne se conforment pas aux règles en vigueur. Ainsi, tout particulier qui n’a pas déclaré ou télédéclaré ses locations touristiques auprès de sa mairie qui le lui réclame s’expose à une amende civile pouvant aller jusqu’à 5.000 euros (contre 450 euros jusqu’alors). Quant à celui qui refuse de transmettre le décompte des nuits des locations à sa mairie dans un délai d’un mois, il encourt une amende qui peut atteindre à 10.000 euros.

Autre disposition établie par la loi Elan : dans les communes où la réglementation sur le changement d’usage est applicable, le bailleur ne peut plus louer sa résidence principale plus de 120 jours durant une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure. En cas de dépassement de ce plafond sans juste motif, iI peut se voir appliquer une amende de 10.000 euros.

Dans son article 145, la loi Elan impose un nouveau tour de vis aux locations touristiques meublées de courte durée.

Les plateformes de location saisonnières sont, elles aussi, concernées par de nouvelles règles imposées par le texte. Depuis le 1er janvier 2019, elles ont obligation de respecter la limite légale de 120 jours de location par an. Conformément à un accord signé l’été dernier avec le gouvernement, Airbnb applique désormais ce dispositif dans dix­-huit villes, parmi lesquelles Paris, Lyon, Bordeaux, Versailles, Nice, Nîmes ou encore Saint-Paul-de­-Vence. Dès qu’un bien à louer atteint le seuil maximal autorisé, le propriétaire est informé que son annonce est automatiquement bloquée et qu’il ne peut plus recevoir de réservation.

La facture peut s’avérer salée pour les contrevenants. S’il publie une annonce qui dépasse sans autorisation les 120 jours, le bailleur encourt une amende de 10.000 euros par logement. Pour la plateforme qui ne supprimerait pas l’offre, la sanction s’élèverait à 50.000 euros.

LA FIN DE LA TRÊVE HIVERNALE POUR LES SQUATTEURS

L’article 201 de la loi Elan facilite la procédure d’expulsion des squatteurs qui occupent de manière illicite le logement d’un particulier (résidence principale ou secondaire). Dorénavant, les occupants sans droit ni titre ne sont plus protégés par la trêve hivernale. Cela veut dire qu’ils sont susceptibles d’être expulsés à tout moment, y compris entre le 1er novembre et le 31 mars. Précision importante: cette règle ne vaut pas pour les locataires qui ne règlent plus leurs loyers: ils sont toujours protégés durant cette période.

En outre, le texte supprime la règle selon laquelle les squatteurs ne peuvent être expulsés qu’à l’issue du délai de deux mois entre la délivrance du commandement de quitter les lieux et la mise en œuvre effective de l’expulsion. Ce laps de temps leur était jusqu’ici accordé pour leur permettre d’organiser leur relogement. La nouvelle règle se traduit par un gain de temps précieux pour le bailleur, souvent impatient de récupérer son bien.

Article issu du Mag 3AO n°39 de janvier 2019