Retraite : les contours de la future réforme dévoilés

Les grands principes de la réforme des retraites promise par Emmanuel Macron ont été présentés aux partenaires sociaux. L’esquisse du futur régime « universel » en points prend forme petit à petit.

Les contours de la future réforme des retraites commencent à se dessiner. À l’issue d’une rencontre avec les représentants du patronat et des syndicats, Jean-Paul Delevoye, le Haut-commissaire en charge de la réforme des retraites, a présenté le 10 octobre 2018 les grands principes du nouveau système. Comme l’a promis Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle, celui-ci garantira que « chaque euro cotisé donne les mêmes droits à la retraite quels que soient la carrière et le statut professionnel de l’assuré ».

Pour arriver à une telle égalité de traitement, les 42 régimes français de retraite de base et complé­mentaire, qui disposent chacun peu ou prou  de leurs propres règles, vont être remplacés par un régime dit « universel ». Il ne s’agira pas d’un ré­gime unique, comme évoqué dans le programme présidentiel d’Emmanuel Macron, car, s’il n’y aura plus qu’un seul régime, ce dernier devrait intégrer des spécificités pour certains métiers ou statuts.

En revanche, comme l’ancien ministre de l’Économie s’y est engagé, le futur régime universel sera bien un régime par répartition. Ce qui signifie qu’à l’image du système actuel, les pensions des retraités seront immédiatement financées par les cotisations vieillesse versées par les actifs. Autre certitude  : il sagira d’un régime en points et non en annuités.

Contrairement à la majorité des régimes de retraite de base en vigueur aujourd’hui, les assurés ne vali­deront pas des trimestres de cotisations vieillesse, mais ils acquerront des points, comme c’est déjà le cas pour les régimes de retraite complémentaire tels l’Arrco et l’Agirc.

En toute logique, il devrait ne plus y avoir de durée d’assurance, soit le nombre de trimestres de cotisations exigés pour percevoir une retraite de base complète (sans abattement). Aujourd’hui, ce paramètre varie selon l’année de naissance: un assuré né en 1957 doit justifier de 166 trimestres pour toucher une pension de base au taux plein (sans décote), contre 172 trimestres pour celui né en 1973.

La réforme des retraites ne va pas concerner les retraités actuels, ni les actifs qui prendront leur retraite dans les cinq prochaines années.

L’âge légal de départ à la retraite Jean-Paul Delevoye préfère parler d’« âge minimum ») sera maintenu à 62 ans. Les Français ne seront ainsi pas autorisés à liquider leurs droits avant leur 62ème anniversaire. Il pourrait y avoir un« âge pivot», fixé à 63 ou 64 ans, en deçà duquel la pension serait minorée. Des dispositifs de départs anticipés, pour les personnes qui ont commencé à travailler jeune (carrière longue) ou qui souffrent d’un handicap, pourraient subsister dans le régime universel. Mais là-aussi on n’en sait pas plus. Panorama de ce qui va changer pour les salariés, les fonctionnaires, les travailleurs non-salariés et les retraités, en sachant qu’il existe encore de nombreuses zones d’ombre et que le projet de loi ne devrait pas être voté avant fin 2019.

 

Pour les salariés

Le taux de cotisation vieillesse sera fixé à 28% dans le régime universel, ce qui correspond à peu près à celui des salariés du secteur privé. En prenant en compte les cotisations à la retraite de base et à la retraite complémentaire,leur taux atteint 27,5%, sachant que l’employeur prend en charge 60%.

L’assiette de cotisation va également changer. Aujourd’hui, les salariés du privé cotisent à la retraite de  base à hauteur du plafond de la Sécurité sociale (PSS), c’est-à-dire du premier euro gagné, et jusqu’à 3.311 euros bruts mensuels en 2018. C’est parce que la retraite de base est ainsi plafonnée dans le secteur privé qu’ont été mis en place les régimes complé­mentaires qui, comme leur nom l’indique, viennent la compléter.

L’assiette de cotisation de l’Arrco (le régime complémentaire des non-cadres et des cadres) va d’un euro à trois fois le PSS, soit 9.933 euros bruts par mois en 2018. À l’Agirc (le régime complémentaire des seuls cadres), elle est comprise entre un et huit PSS (26.488 euros bruts par mois en 2018).

Lorsque le régime universel d’Emmanuel Macron sera mis en place, les salariés, comme les autres actifs, vont cotiser jusqu’à trois PSS. En d’autres termes, les 650.000 cadres supérieurs et dirigeants, qui gagnent plus de 120.000 euros par an, ne cotiseront plus à la retraite sur une partie de leur rémunération. Jean­ Paul Delevoye a, en effet, confirmé que l’instauration du régime universel va entraîner la disparition des régimes complémentaires, dont l’Agirc-Arrco.

 

Pour les fonctionnaires

Le taux de cotisation à 28 % risque de poser problème pour les agents de la fonction publique. Aujourd’hui, c’est essentiellement l’État qui finance les cotisations vieillesse des  fonctionnaires. En prenant en compte la retraite de base et la retraite additionnelle (voir plus loin), ces derniers cotisent à peine 11%.

Par ailleurs, il faut savoir que les cotisations des agents publics portent sur la totalité de leur traitement indiciaire, hors primes. C’est pour cela qu’a été créé en 2005 le Régime de retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP), financé par les cotisations sur les éléments variables (primes, indemnités, avantages) des fonctionnaires (dans la limite de 20% de leur traitement).

Demain, si les primes seront intégrées à l’assiette de cotisation vieillesse des agents (et génèreront donc des droits à la retraite), la rémunération fixe et variable prise en compte sera plafonnée à trois fois le PSS. De quoi pénaliser les hauts-fonctionnaires. Jean-Paul Delevoye reconnaît que la réforme des retraites implique une remise à plat en amont des grilles et modes de rémunérations des agents de la fonction publique.

Se pose également la question des retraites anticipées pour les fonctionnaires dits « actifs ». Dans la fonction publique, il existe une catégorie « active » qui regroupe les agents dont l’emploi « présente un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles». On y trouve les douaniers armés, certaines éducateurs spécialisés, les contrôleurs  aériens ou encore les aides-soignants. À condition de respecter une durée effective de services {de 12 à 32 ans, selon l’emploi), les fonctionnaires  actifs peuvent prendre leur retraite à 57 ans, voire à 52 ans pour les agents « super actifs  »  (policiers,  surveillants pénitentiaires...) ou « insalubres » (égoutiers, agents des instituts médico-légaux…).

Ces départs précoces pourraient être maintenus. Jean-Paul Delevoye a ainsi assuré que les militaires, les policiers et les sapeurs-pompiers professionnels devraient continuer à partir plus tôt à la retraite. Toutefois, le Haut-commissaire a prévenu que ce ne serait sûrement pas la solidarité nationale qui financerait ces retraites anticipées. En clair: ce seront aux fonctionnaires eux-mêmes de les payer. Il n’est pas dit à l’heure actuelle si cela passera par une cotisation supplémentaire pour les agents publics.

 

Pour les travailleurs non-salariés

Actuellement, les travailleurs non-salariés (TNS) cotisent aux alentours de 15% à la retraite. Des aménagements devraient être mis en place pour leur éviter une hausse brutale de leurs charges. La limitation de l’assiette de cotisation.

pose là aussi souci. Aujourd’hui, les travail­leurs indépendants (artisans, commerçants, chefs d’entreprise) cotisent à hauteur d’un PSS pour la retraite de base et de quatre PSS pour la retraite complémentaire. Les trois PSS du futur régime universel seront encore plus problématiques pour les professions libérales (médecins, avocats, architectes, notaires, ex­perts-comptables…), dont les cotisations vont jusqu’à cinq PSS pour la retraite de base et ne sont généralement pas plafonnées pour la re­traite complémentaire.

 

Pour les retraités

Comme annoncé par Emmanuel Macron, la réforme des retraites ne va pas concerner les retraités actuels, ni les actifs  qui prendront leur retraite dans les cinq prochaines années. En revanche, la phase de transition devrait être abrupte puisque le basculement de l’ancien au nouveau système sera immédiat à compter d’une date fixée au préalable (le 1er janvier 2025 est évoqué). Concrètement, une « pré-li­quidation » des droits de chaque assuré sera effectuée. Le montant sera transformé  en points qui s’ajouteront aux points que l’actif capitalisera ensuite jusqu’à son départ  effectif à la retraite. Le retraité percevra alors une seule pension versée  par le nouveau régime.

 

Article issu du Mag 3AO n°37 de novembre 2018