Bourse : une chute historique

BILAN DU PREMIER TRIMESTRE. Après un effondrement éclair pire que celui de 2008, les marchés actions ont, de façon parallèle à la croissance économique, basculé dans l’incertitude la plus totale.

Des sommets à l’abîme. De l’euphorie à la peur. En l’espace de quelques semaines, la diffusion de l’épidémie de Covid-19 sur l’ensemble de la planète a totalement retourné la situation sur les marchés actions. Le cygne noir que tout le monde redoutait et que personne n’a vu venir. « En passant de son plus haut depuis 2007 à son plus bas depuis mi-2013, le CAC 40 hors dividende a connu la chute la plus ra­pide de son histoire», observe Alexandre Baradez, responsable des analyses de marché d’IG France. « L’un des chocs les plus violents de toute l’histoire des marchés actions, comparable aux krachs de 1929 et 1987 », complète Nicolas Chéron, responsable de la recherche marchés pour Binck.fr. Qui prend la suite d’anomalies de marchés marquées par des cours haussiers sans croissance bénéficiaire, des records de capitalisation boursière sous perfusion des politiques monétaires hyper-accommodantes des banques centrales. Au passage, l’épidémie aura, on l’a vite oublié, mis un terme à la plus longue phase d’expansion économique que l’on ait connu. Aucun indice n’a échappé à la purge. Le Nasdaq a un peu mieux résisté, du fait de sa composante technologique et des excédents de trésorerie fara­mineux dont disposent certaines valeurs comme Apple ou Microsoft. D’un point de vue sectoriel, la pharmacie et les télécoms ont offert une belle ré­sistance relative alors que les valeurs pétrolières et parapétrolières, automobiles, financières et aéronautiques ont été les plus touchées.

 

REBOND TECHNIQUE OU REPRISE DURABLE ?

Que penser du rebond des cours de bourse constaté la semaine du 23 mars, durant laquelle le CAC 40 a repris 7,5% ? « C’est un rebond technique caractéristique d’un marché baissier de grande ampleur, comme le démontre l’analyse des phénomènes passés. C’est un signe d’espoir d’une crise de courte durée, les opérateurs essayant d’envisager la fin de l’épidémie avant même l’atteinte du pic épidémique, observe Nicolas Chéron. D’autant que la rapidité de l’interventionnisme des banquiers centraux et des États a contribué à les rassurer. À ces facteurs psychologiques se sont greffés des facteurs purement techniques, un courant acheteur ayant été alimenté à la fois par des prises de bénéfices sur les ventes à dé­ couvert, l’impossibilité d’ouvrir de nouvelles positions vendeuses, des achats tactiques de court terme et des prises de position opportunistes de long terme ». Et maintenant? « Pour le moment, les marchés valorisent un choc économique violent mais temporaire, se manifestant par une récession au premier semestre suivie d’un rebond au second. Dans cette hypothèse, les niveaux actuels offrent un point d’entrée intéressant de repositionnement sur les actions sur un horizon à moyen terme, sur 3 à 5 ans », estime Alexandre Baradez qui, dans une telle configuration, aurait tendance à privi­légier le DAX compte tenu des marges de manœuvre budgétaires dont dispose l’Allemagne pour faire face.

Les actions peuvent-elles plonger encore plus bas ? « On ne peut pas être catégorique. Nous sommes toujours dans une phase de très forte correction, la probabilité d’atteindre de nouveaux points bas existe, notamment si les mesures de confinement et la récession qui en découle venaient à durer plus longtemps que prévu ». Le risque sa­nitaire est dans toutes les têtes, notamment celui d’une seconde vague épidémique qui saperait la confiance des agents économiques, consommateurs comme entreprises. Autre facteur de risque, celui associé à l’endettement privé record favorisé par les taux bas. « Il faut se méfier du risque de grosse faillite que personne n’attend, à l’image de celle d’Enron en 2001 ou celle de lehman Brothers en 2008. Tant que les craintes de faillites demeurent présentes, il ya peu de chances que les investis­seurs commencent à reprendre du risque sur les marchés actions », considère-t-il. « Nous avons connu le séisme, il faut s’attendre à une réplique », résumé Nicolas Chéron. Preuve des craintes qui pèsent sur la confiance sur les marchés : les indicateurs des mesures de la volatilité telles que l’indice VIX(aux États-Unis) ou le V2X (en zone euro), bien qu’en baisse après les pics constatés cou­rant mars, demeurent à des niveaux très élevés.

 

RACHATS D’ACTIONS ET DIVIDENDES : MOTEURS CASSÉS

Sauf bonne nouvelle sur le front de l’épidémie, les raisons de croire à net rebond des actions à court terme sont faibles. D’autant que les mo­teurs que constituaient les rachats d’actions et les dividendes sont cassés: la BCE a, par exemple, demandé aux banques de ne pas verser de divi­dendes ni de procéder à des rachats d’actions du­ rant la pandémie de Covid-19, au moins jusqu’au 1er octobre 2020, tant au titre de l’exercice 2019 que pour les acomptes des dividendes au titre de 2020. Outre-Atlantique, le package de sou­ tien budgétaire de 2200 milliards de dollars est conditionné à l’interdiction pour les entreprises bénéficiaires d’une aide de procéder au moindre rachat d’actions jusqu’à un an après l’avoir rem­boursée.

 
Article issu du Mag 3AO n°54 d’avril 2020