Bourse : vers une consolidation ?
Après avoir fortement corrigé fin 2018, les marchés actions ont vivement rebondi en 2019, sans corrélation avec les fondamentaux économiques. Le potentiel de hausse apparait moins évident pour 2020.
+32% pour le Nasdaq, +29% pour le S&PS00, +26% pour le CAC 40 … Les performances exceptionnelles de l’année passée ont surpris, dans un contexte de ralentissement de la croissance économique mondiale sur fond de tensions commerciales si no-américaines. Bref, un millésime marqué par une décorrélation manifeste entre fondamentaux économiques et évolution des cours, alimentée par la politique monétaire accommodante des banques centrales, réserve fédérale américaine (Fed) en tête.
FED ET RACHATS D’ACTIONS, MOTEURS EN 2019
« Le changement de ton impulsé par le président de la FedJerome Powell a ouvert la voie à trois baisses de taux d’intérêt consécutives, puis à des injections de liquidités jamais vues depuis l’assouplissement quantitatif qui a suivi la crise des subprime en 2008-2009.
Ces mesures, habituellement déployées en période de crise, ont constitué le premier moteur de la hausse de 2019 », résume Alexandre Baradez, responsable des analyses de marché d’IG France. Second moteur, les rachats d’actions qui ont atteint des niveaux colossaux.« Ce ne sont pas les investisseurs qui ont tiré les performances, ce sont les entreprises elles-mêmes avec 800 milliards de dol lars de rachats d’actions propres aux États-Unis et 200 milliards en Europe», constate Vincent Juvyns, stratégiste chez J.P. Morgan Asset Management.
Pas sûr que ces phénomènes permettront aux actions de rééditer en 2020 leurs performances de 2019. D’autant que les sources d’incertitudes de meurent: nouveaux soubresauts dans les négociations commerciales entre la Chine et les États-Unis, accord de libre-échange restant à négocier entre Londres et Bruxelles, crise entre l’Iran et les États Unis, issue des élections présidentielles US…
RÉVISION DES PERSPECTIVES BÉNÉFICIAIRES
Sans compter que le potentiel de valorisation s’est amenuisé. « La croissance économique demeurera Inférieure à son potentiel, les perspectives bénéficiaires sont appelées à être révisées à la baisse et les valorisations sont en ligne voire supérieures aux moyennes historiques, observe Vlncent Juvyns. Nous n’identifions pas d’importants facteurs de soutien des cours, en dehors peut-être d’avancées sur l’accord commercial Chine – États-Unis et d’une dynamique de flux de collecte vers les actions ». « Les bénéfices des entreprises n’ont pas progressé en 2019, abonde Alexandre Baradez. Les multiples de valorisation se sont fortement accrus : le CAC 40 se paie 20 fois ses bénéfices, au-delà de sa moyenne historique de 17 ».
Dans cette situation d’absence de progression des bénéfices, Alexandre Baradez s’attend de son côté, à un regain de volatilité tant aux États-Unis qu’en Europe.
« Une réconciliation des valorisations avec les fonda mentaux macroéconomiques serait saine pour tout le monde, estime-t-il. Le CAC 40 pourrait au mieux osciller dans une fourchette de +10 à -10%. Du côté des valeurs technologiques, les plus grandes valeurs comme Facebook ouGoogle feront face au risque de régulation des situations monopolistiques. Il ne serait pas illogique que l’indice Nasdaq retombe jusqu’à 7.000 points, soit -20%. Si la consolidation devait ne pas se produire, nous partirions sur les bases d’une bulle spéculative.
LE CAS DES PETITES ET MOYENNES VALEURS
Du côté des petites et moyennes valeurs, la situation n’est pas comparable. « C’est la classe d’actifs qui ale plus souffert en 2018 et celle qui a le moins rattrapé en 2019. Les spectres de la guerre commerciale sino-américaine, du Brexit et du ralentissement de la croissance mondiale, qui s’est matérialisé, ont poussé les analystes à revoir à la baisse leurs attentes et les investisseurs à rester très prudents en privilégiant la partie la plus liquide des différents marchés», analyse Louis Albert. directeur général et responsable de la gestion d’IDAM. indice CAC Small a ainsi repris 15,2% en2019 après avoir abandonné 28% en 2018, dont -38% pour les 100 plus petites.
Actuellement, les multiples de valorisation médians (source échantillon de 245 valeurs suivies par le bureau d’analyse financière IDMldCaps) font apparaître un PER de 16,5, une VE/EBITDA de 7,8 (valeur d’entreprise ramenée au résultat brut opérationnel, NDLR) et un prix sur actif net de 1,5, des niveaux exactement en phase avec la moyenne des dix dernières années (2010-2019).
« Les petites et moyennes valeurs ne sont pas décotées dans leur globalité, nous assistons cependant à d’énormes disparités de valorisations par secteurs ou par actions intra-sectorielles, traduisant une exagération des critères de sélection, poursuit Louis Albert. Certains sont prêts à payer la qualité jusqu’à 40 années de bénéfices ; alors qu’à l’opposé, d’autres valeurs se paient seulement entre 6 et 10, à l’image de secteurs délaissés comme les équipementiers automobiles. Notre travail consiste à sélectionner les titres décotés pour de mauvaises raisons. Le marché des petites et moyennes capitalisations, qu’il soit français ou européen, offre aujourd’hui des opportunités particulièrement intéressantes »
Article issu du Mag 3AO n°51 de janvier 2020