Chômage partiel : ce que la Covid-19 change pour la retraite
En temps normal, la mise en chômage technique ne permet pas de se constituer des droits à la retraite de base. Des mesures exceptionnelles ont été mises en place afin que les salariés, certaines professions et les agents des entreprises publiques placés en activité partielle puissent valider des trimestres durant la crise sanitaire.
Jusqu’à l’épidémie du nouveau coronavirus, personne ne se souciait vraiment de l’impact du chômage partiel sur la retraite. Et pour cause : ce dispositif, instauré par les partenaires sociaux à la suite des événements de mai 1968 et qui permet à une entreprise de ne pas faire travailler ses salariés sans les licencier en cas de force majeure (grève générale, pénurie de matières premières, problème d’alimentation électrique, catastrophe naturelle…), était avant la pandémie non seulement peu utilisé, mais quand les employeurs y avaient recours, c’était sur des périodes très courtes puisque cela répondait à un problème ponctuel.
« Jusqu’à quatre trimestres « gratuits » de chômage partiel peuvent être désormais pris en compte pour accéder à la retraite anticipée pour carrière longue ».
La Covid-19 a tout changé. Pour éviter que les entreprises ne licencient en masse à cause de la crise sanitaire et économique, le gouvernement a encouragé l’utilisation de l’activité partielle (la nouvelle appellation du chômage partiel). Si l’indemnité versée durant le chômage technique représente toujours, pour l’instant, 70% de la rémunération brute du salarié (100% s’il est payé au Smic) dans la limite de 4,5 fois le Smic, elle est prise en charge à 100% (1) par l’État pendant la période d’urgence sanitaire, contre 70% en temps normal.
Du coup, ce sont des millions de salariés français qui ont été placés ou se retrouvent toujours aujourd’hui en activité partielle, et ce, pour une partie d’entre eux (notamment dans les secteurs les plus impactés, comme la restauration, l’hôtellerie, le tourisme, l’événementiel, la culture ou encore les salles de sport) depuis mars 2020, date du premier confinement. Or, il faut savoir que l’allocation versée dans le cadre du chômage partiel n’est pas du salaire, mais est considérée comme un revenu de remplacement (au même titre que les indemnités journalières servies en cas d’arrêt de travail, les allocations chômage ou les retraites).
ABSENCE DE COTISATIONS VIEILLESSE
En conséquence, l’indemnité n’est pas soumise aux cotisations sociales, dont les cotisations vieillesse (2). L’allocation ne permet donc pas de valider des trimestres de retraite. Cette absence d’ouverture des droits n’était pas un problème tant que les périodes de chômage technique étaient limitées dans le temps. Dans le secteur privé, il faut gagner l’équivalent de 150 heures payées au Smic (1.537,50 euros bruts en 2021) pour valider un trimestre de retraite. Une rémunération annuelle correspondant à 600 heures Smic (6.150 euros bruts en 2021) suffit ainsi à acquérir une annuité de retraite complète (quatre trimestres dans l’année). Avec la crise sanitaire, certains salariés n’ont pas pu justifier des 600 heures Smic en 2020. C’est particulièrement vrai pour ceux à temps partiel, en CDD, en intérim et en travail saisonnier. Soit les travailleurs les plus précaires, qui sont justement ceux qui souffrent le plus de l’impact économique de la Covid-19. En ne validant pas une annuité complète l’an dernier, ils vont devoir travailler plus longtemps pour respecter leur durée d’assurance (le nombre de trimestres requis dans sa classe d’âge pour percevoir une pension de base au taux plein) ou se voir appliquer une minoration (décote) sur leur future retraite.
UN TRIMESTRE VALIDÉ TOUS LES 50 JOURS INDEMNISÉS
Afin d’éviter aux salariés en activité partielle de subir une double peine (un salaire et une pension de vieillesse minorés), le gouvernement a mis en place des mesures exceptionnelles en matière de droits à la retraite. Les salariés des entreprises et associations et les salariés relevant du régime agricole (travaillant dans une exploitation agricole, une coopérative agricole, une mutuelle agricole ou dans l’industrie agroalimentaire), qui ont été placés en chômage technique entre le 1er mars et le 31 décembre 2020, ont pu valider un trimestre toutes les 220 heures indemnisées au titre de l’activité partielle (soit tous les 50 jours), dans la limite de quatre trimestres par an.
Mieux : ces trimestres sont pris en compte dans la durée d’assurance exigée pour bénéficier de la re traite anticipée pour carrière longue (RACL). Pour rappel, ce dispositif permet aux actifs, qui ont commencé à travailler avant l’âge de 20 ans et validé tous leurs trimestres, de partir plus tôt à la retraite. Seuls les trimestres réellement cotisés comptent normalement, auxquels s’ajoute un nombre limité de trimestres «assimilés» (c’est-à-dire octroyés sans contrepartie de cotisations au titre du service militaire, de la maternité, de la maladie, du chômage ou de l’invalidité). Jusqu’à quatre trimestres« gratuits» de chômage partiel peuvent être désormais pris en compte pour accéder à la RACL.
DES RÈGLES PARTICULIÈRES POUR LES AFFILIÉS AUX RÉGIMES SPÉCIAUX
Les trimestres « Covid-19 » sont validés différemment pour les affiliés aux régimes dits « spéciaux » (des régimes de retraite dont les règles de fonctionnement sont spécifiques). Pour ces salariés, il leur faut travailler 90 jours pour acquérir un trimestre. Le même principe a été retenu s’ils ont été mis en activité partielle entre le 1er mars et le 31 décembre 2020. Le personnel navigant de l’aviation civile (pilotes, copilotes, stewarts, hôtesses de l’air), les marins, les clercs et employés de notaire, les ouvriers d’État (qui travaillent essentiellement dans le secteur de la défense) et les agents de la SNCF, de la RATP et du secteur des industries électriques et gazières (EDF, Engie, RTE, GRDF…) valident un trimestre tous les 90 jours de chômage partiel.
Autre différence : ce n’est pas 70% du salaire brut qui sont pris en compte dans le calcul de la pension de base comme pour les salariés « lambdas », mais 100% de la rémunération brute pour les affiliés aux régimes spéciaux. Et les trimestres validés au titre du chômage partiel sont pour eux aussi comptabilisés dans la durée d’assurance nécessaire pour bénéficier de la retraite anticipée pour carrière longue. Des dispositions ont également été instaurées pour la retraite complémentaire.
DES POINTS AU-DELÀ DE LA 60ème HEURE EN ACTIVITÉ PARTIELLE
En premier lieu, il faut savoir que dès 1975 (soit dans la foulée du premier choc pétrolier de 1973), patronat et syndicats, gestionnaires de l’Arrco et de l’Agirc (les deux régimes de retraite complémentaire n’avaient pas fusionné à l’époque), ont décidé d’octroyer des points sans contrepartie de cotisations au-delà de la 60ème heure de chômage technique. Les salariés et salariés agricoles, placés aujourd’hui en activité partielle, acquièrent ainsi des points Agirc-Arrco selon les mêmes règles.
Depuis le 1er mars 2020, le même principe s’applique aux agents publics non titularisés (contractuels, vacataires). Ils acquièrent eux aussi des points au-delà de la 60ème heure indemnisée au titre du chômage partiel auprès de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (lrcantec). En ce qui concerne la retraite de base, ils sont soumis aux mêmes règles que les salariés du privé (un tri mestre validé tous les 50 jours indemnisés).
Que ce soit pour l’lrcantec ou l’Agirc-Arrco, l’agent ou le salarié doivent bien penser à transmettre leur attestation d’activité partielle à leur caisse de retraite complémentaire pour bénéficier des points « gratuits ». Dans les deux régimes de retraite complémentaire, il n’existe pas de date limite à la prise en compte du chômage technique dans les droits. Ceux octroyés par les régimes de retraite de base ont officiellement pris fin au 31 décembre 2020. Toutefois, avec la très probable extension de la période d’urgence sanitaire jusqu’en juin prochain, les droits exceptionnels devraient être prolongés d’autant.
- Taux susceptibles d’évoluer dans les mois à venir
- L’allocation versée dans le cadre de l’activité partielle est seulement assujettie à la contribution sociale généralisée (CSG) à 6,2% et à la contribution pour Je remboursement de la dette sociale (CROS) à 0,5%.
Article issu du Mag 3AO n°64 de février 2021