Chomage partiel : les nouvelles règles d’indemnisation

Depuis le 1er juin, l’État a abaissé sa prise en charge financière de l’activité partielle. Hormis certains secteurs d’activité, tels que le tourisme, la culture ou la restauration, il ne compense plus à 100% le coût pour les entreprises. Explications.

Renforcé depuis le début de la crise sanitaire du nouveau coronavirus, le dispositif spécifique de chômage partiel a battu tous les records. D’après les dernières statistiques publiées le 20 mai dernier par la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), qui dépend du ministère du Travail, il a été sollicité pour 12,7 millions de salariés du privé depuis le 1er mars, et effectivement mis en place pour 8,6 millions de travailleurs (soit une utili­sation à hauteur de 70% des demandes faites par les employeurs).

Certes, l’activité partielle a permis d’éviter une vague de licenciements massifs et la destruction de millions d’emplois en France. Sauf que le recours à cet outil généreux s’avère particulièrement coûteux pour les finances publiques: mi-avril, Bercy évoquait une enveloppe exorbitante de 26 milliards d’euros (initialement, le gouvernement avait provisionné 8,5 milliards d’euros). C’est pourquoi, avec la levée des mesures de restriction entamée le 11 mai (date du début du déconfinement) et la reprise de l’activité économique, le gouvernement a décidé de réduire progressivement la voilure sur le chômage partiel.

 

15% DU COÛT ASSUMÉ PAR LES ENTREPRISES

Ainsi, depuis le 1er juin, le recours à ce dispositif est nettement moins avantageux pour les employeurs. Jusque-là, l’État et l’Unédic (l’organisme paritaire qui pilote le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi) compensaient 100% des montants ver­sés par les entreprises au titre du chômage partiel, dans la limite de 4,5 Smic par salarié concerné (soit plus de 5.300 euros nets mensuels). Désormais, ils ne prennent plus en charge que 85% de l’indemni­té payée aux salariés placés en activité partielle. En revanche, le plafond des rémunérations don­nant droit à indemnisation reste fixé à 4,5 Smic. Concrètement, cela signifie que les entreprises qui souhaitent continuer à bénéficier du chômage par­tiel pour leurs effectifs doivent maintenant suppor­ter un « reste à charge » de 15%. Comme précisé par le communiqué du ministère du Travail, publié le 25 mai, cela signifie que sur les 70% de la rémunération brute versée au salarié lorsqu’il ne travaille pas, l’em­ployeur se fait dorénavant rembourser uniquement un montant égal à 60% de la rémunération brute. Un deuxième palier, avec un reste à charge un peu plus fort pour les entreprises, est évoqué pour l’automne. Le changement dans la prise en charge de l’activité partielle entré en vigueur le 1er juin va faire l’objet d’un prochain décret. Ce dernier doit être publié au Journal Officiel, après adoption par le Parlement d’un projet de loi relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire.

 

«TAUX PLEIN» MAINTENU DANS CERTAINS SECTEURS

La mesure ne concerne cependant pas toutes les en­treprises. Elle se limite, en effet, aux secteurs dont l’ac­tivité économique reprend progressivement depuis la levée graduelle du confinement. Conformément aux annonces du premier ministre Édouard Philippe à l’is­ sue du comité interministériel du tourisme du 14 mai dernier, le ministère du Travail a confirmé que ceux qui font toujours« l’objet de restrictions législatives ou régle­mentaires particulières» continueront à bénéficier d’une prise en charge publique du chômage partiel à 100%. Pour ces secteurs «confinés», qui sont actuellement dans l’incapacité de redémarrer, le bénéfice de l’indemnisation à« taux plein» devrait se poursuivre au moins jusqu’à la fin du mois de septembre. Parmi eux figurent notamment le tourisme, la restauration, l’hôtellerie, la culture et l’évé­nementiel (la liste officielle doit être définie par décret).

 

INDEMNITÉ INCHANGÉE POUR LE SALARIÉ

La fin de la prise en charge complète de l’activité par­tielle par la puissance publique a-t-elle une incidence sur le montant de l’indemnité versée au salarié ? La réponse est « non ». Cela ne change rien pour lui. En effet, le ministère du Travail explique, que pendant sa période de chômage partiel, l’employé continue de per­cevoir 70% de sa rémunération brute (ce qui représente 84% du salaire net, si l’entreprise ne compense pas). De leur côté, les personnes payées au Smic ont encore droit à l’équivalent de leur rémunération intégrale. À noter qu’une entreprise contrainte de fermer ou de réduire fortement son activité à cause de l’épidémie de Covid-19 peut désormais mettre individuellement son personnel en activité partielle. Attention : cela n’est possible que si un accord d’entreprise le prévoit ou avec l’aval du comité social et économique (CSE).

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« DISPOSITIF ALTERNATIF » EN PROJET

Le gouvernement planche sur la création d’un « dis­positif alternatif » de chômage partiel, permettant
« une réduction du temps de travail » compen­sée « en partie » par l’État. Cette initiative vise à
« accompagner les entreprises connaissant une baisse durable d’activité, potentiellement au-delà de la fin de l’année 2020, en contrepartie d’enga­gements notamment de maintien dans l’emploi ».
« Très concrètement, les entreprises pourront dimi­nuer par accord avec les organisations syndicales le temps de travail, faire de la modération salariale, à condition de maintenir totalement l’emploi, avec une aide de l’État qui viendra en complément pour rattraper une partie de la perte du pouvoir d’achat », a expliqué la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, qui juge le dispositif « gagnant pour tout le monde ».
Reste à savoir si cette mesure, qui intéresse surtout l’industrie dans l’immédiat, aboutira…

 
« Attestation d’école » et « certificat d’isolement »

Avis aux parents qui bénéficient du dispositif de chômage partiel pour garder à la maison leur en­fant âgé de moins de 16 ans (ou de moins de 18 ans s’il présente un handicap), et dont l’emploi ne leur permet pas de télétravailler ! Depuis le 2 juin, ils doivent présenter à leur employeur une attestation fournie par l’école. Ce document doit apporter la preuve que l’établissement scolaire ne peut pas assurer sa mission d’accueil des élèves pour des raisons sanitaires ou de capacité. Les parents – notamment ceux qui peuvent re­ mettre leur enfant en classe mais refusent de le faire – qui ne sont pas en mesure de produire cette attestation ne sont plus pris en charge par l’activité partielle. En revanche, ils peuvent, s’ils souhaitent continuer à garder leur enfant et avec l’accord de leur employeur, poser des jours de congés payés ou des RTT.

 
Le chômage partiel pris en compte pour la retraite

La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a précisé, début mai, que la période de chômage partiel permettra désormais d’acquérir des droits à la retraite de base. L’indemnité versée au titre de l’activité partielle, qui ne donne pas lieu à cotisa­tions sociales (dont les cotisations vieillesse), ne permettait pas de valider des trimestres avant le début de la crise sanitaire. Les modalités de ce système dérogatoire pour obtenir des tri­mestres « gratuits » (sans contrepartie de coti­sations) n’ont pas été officiellement dévoilées. Du côté de la retraite complémentaire, des points Agirc-Arrco continuent à être attribués à partir de la 6Qème heure de chômage partiel.

 

Article issu du Mag 3AO n°56 de juin 2020