Immobilier : encadrement des loyers à Paris, saison 2

En application d’un arrêté préfectoral paru fin mai, le dispositif est rétabli depuis le 1er juillet à titre expérimental dans la capitale. Tout sur les conditions, les exceptions et les sanctions.

Encadrement des loyers à Paris, le retour ! Depuis le 1er juillet 2019, le mécanisme est réactivé dans la capitale en vertu de la loi « pour l’évolution du logement, de l’aménagement et du numérique » (Elan) promulguée le 23 novembre dernier. Il s’agit de la nouvelle version d’une pratique (créée par la loi Alur en 2014) mise en œuvre une première fois dès août 2015, avant d’être retoquée par la justice en novembre 2017 (comme un mois plus tôt à Lille, l’autre ville qui appliquait alors l’encadrement). À l’époque, le tribunal administratif de Paris avait considéré que la mesure aurait dû s’appliquer à toute l’agglomération parisienne, et non à la seule capitale.

La loi Elan permet, sous conditions, aux villes, com­munes et intercommunalités de plus de 50.000 ha­bitants en zones dites « tendues» (où « il existe un déséquilibre marqué entre l’offre et la demande de logements »), qui en manifestent le souhait, de mettre en pratique l’encadrement des loyers. Car l’une des nouveautés tient au fait que cet encadre­ ment est, cette fois-ci, optionnel et expérimental. Il est testé pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la loi (soit jusqu’en novembre 2023).

Une trentaine de villes seraient candidates et ont jusqu’au 24 novembre 2020 pour trans­ mettre leur demande. Mais à ce jour, seul Paris s’est manifesté et a obtenu l’aval du ministère de la Cohésion des territoires. Un décret ministériel, publié dans le Journal Officiel du 13 avril 2019, puis un arrêté signé le 28 mai 2019 par le préfet de la région île-de-France, ont ainsi officialisé la remise en selle du dispositif inter­ rompu à la fin de 2017.
 

QUELS SONT LES LOGEMENTS VISÉS?

Désormais, les contrats de location signés depuis le 1er juillet dans Paris intra-muros sont susceptibles d’être soumis à l’encadrement des loyers. Autrement dit, l’encadrement des loyers ne s’applique pas aux baux en cours au 1er juil­let ni à ceux signés avant cette date qui ont fait l’objet d’une simple reconduction tacite. Attention : les règles ne concernent que les logements parisiens loués nus ou meublés au titre de résidence principale du loca­taire, qu’il s’agisse d’une première location, d’un renouvellement de bail ou d’un change­ ment de locataire. Cela inclut le bail de location vide de trois ans, le bail de location meublé d’un an, le bail pour location meublée de neuf mois réservé aux étudiants, ainsi que le nouveau bail mobilité (destiné aux personnes en formation professionnelle, en études supé­rieures, en stage, en apprentissage, en service civique ou mission temporaire professionnelle). En revanche, les logements parisiens convention­ nés par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), les logements soumis à la loi de 1948, les logements HLM, les locations en meublé de tourisme et les sous-locations en sont exclus. Même chose pour les baux relatifs à la location seule d’une place de stationnement ou d’une cave.
 

COMMENT SONT DÉSORMAIS FIXÉS LES LOYERS À PARIS?

Depuis le 1er juillet 2019, les propriétaires sont finalement tenus de respecter un double enca­drement. En premier lieu : le plafonnement, déjà appliqué actuellement si le bien était loué. Ainsi, dans le cadre d’une relocation (le logement est reloué à un nouveau locataire, moins de dix-huit mois après le départ du précédent), le bailleur ne peut pas imposer au nou­vel entrant un loyer supé­rieur à celui que payait le locataire sortant. Il peut seulement l’indexer sur l’indice de référence des loyers (IRL) si cela n’a pas été effectué depuis au moins douze mois. La réalisation, entre deux lo­cations, de travaux d’amélioration du logement (aucune liste légale n’existe, mais de simples tra­vaux de peinture ou un changement de moquette ne suffisent pas !) permet aussi une revalorisation du loyer, à condition que la majoration an­nuelle ne dépasse pas 15% du coût des travaux.

Des sanctions, allant jusqu’à 5.000 euros, sont applicables aux propriétaires particuliers qui ne respectent pas les nouvelles règles

Mais à tout cela s’ajoute maintenant un pla­fonnement avec un loyer de référence (hors charges) en euros par mètre carré habitable. Ce loyer « médian » est fixé chaque année par arrêté par le préfet, dans chacun des 80 quar­tiers de Paris (regroupés en quatorze zones). Il est déterminé par l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (O ap) en fonction_du type de logement et de l’année de construction de l’immeuble. Le préfet fixe également pour chaque quartier un loyer de référence majo­ré (équivalent au loyer de référence plus 20%) et un loyer de référence minoré (il correspond au loyer de référence moins 30%). Pour être dans les clous, le bailleur doit donc s’assurer que le loyer (hors charges) qu’il applique se situe entre le loyer minore et le loyer maJore. Les trois loyers (de référence, majoré et mino­ré) doivent être mentionnés dans le bail. À dé­ faut, le locataire qui a signé un nouveau contrat après le 1er juillet 2019 a un délai d’un mois pour adresser une mise en demeure au propriétaire. En l’absence de réponse de ce dernier, il a trois mois (à compter de la mise en demeure) pour saisir le tribunal d’instance et obtenir une baisse du loyer. S’il s’agit d’un renouvellement de bail, la procédure n’est pas la même, et c’est la commis­ sion de conciliation qui est amenée à trancher.
 

OÙ TROUVER LES LOYERS DE RÉFÉRENCE?

Comment un bailleur parisien peut-il connaître les loyers de référence d’un logement? Pour réa­liser une simulation de l’encadrement des loyers dans la capitale, le site Internet de la Direction ré­gionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (Drhil) a mis en ligAne une carte interactive établie par le préfet d’Ile-de-France (accessible à l’adresse www.referenceloyer.drihl.lle-de-france.developpement-durable.gouv.fr). Une fois renseignés les différents critères (ca­ractéristiques du bien à louer, période souhaitée d’application de l’encadrement du loyer, adresse du logement), le loyer de référence minoré, le loyer de référence et le loyer de référence majo­ré apparaissent (voir exemple ci-dessous).
 

L’encadrement des loyers par l’exemple

Imaginons un propriétaire qui propose à la location un appartement d’une pièce, ancien et vide, dans le quartier 58 de Necker ()(\,’ème arrondissement de Paris). La simulation sur le site de la préfecture d’île-de-France lui donne trois résultats : un loyer de référence minoré (19,60 euros le mètre carré), un loyer de référence (28 euros le mètre carré) et un loyer de référence majoré, (à 33,60 euros le mètre carré). Si l’appartement en question dis­ pose d’une surface de23mètres carrés, le loyer de référence est donc fixé à 644 euros hors charges (28 euros x 23) à compter du 1er juillet 2019. Il ne doit pas excéder le montant du loyer de référence majoré, fixé à772,80 euros (33,60 euros x 23).

DES RÈGLES… ET DES EXCEPTIONS

Dans le cas d’un renouvellement de bail (le locataire reste le même), le propriétaire a le droit de réévaluer le loyer seulement si celui-ci est en-dessous du loyer de ré­férence minoré. Si, à l’inverse, le montant de la location excède le loyer majoré, le lo­cataire est en droit de contester ce prix. Autre hypothèse : le logement n’a jamais été loué avant le 1er juillet 2019 ou le locataire pré­cédent est parti depuis plus de dix-huit mois? Dans ce cas, le loyer est librement fixé, mais il ne peut dépasser le loyer de référence majoré. Enfin, un bailleur conserve la possibilité d’ap­pliquer un« complément de loyer» au loyer de référence majoré s’il juge que son logement comporte des caractéristiques de confort ou de localisation exceptionnelles par rapport aux logements environnants de même caté­gorie (une grande terrasse en étage élevé, par exemple). Ce complément peut toujours être contesté par le locataire pendant les trois premiers mois du bail s’il l’estime non justifié.
 

AMENDES EN VUE

Autre nouveauté introduite par la loi Elan: des sanctions possibles pour les propriétaires qui ne respectent pas l’encadrement. Elles sont précisées dans un décret paru le 14 mai 20 9 auJournal Officiel. Le préfet demande au bail­ leur, dans un délai de deux mois, de mettre le bail en conformité et restituer les trop-per­çus à son locataire. Sans quoi le contreve­nant encourt jusqu’à 5.000 euros (s’il est une personne physique) et jusqu’à 10.000 euros (s’il s’agit d’une agence immobilière ou d’une plateforme de location).

 
Article issu du Mag 3AO n°45 de Juillet 2019