Immobilier : la loi Pinel en sursis

Le dispositif d’investissement locatif a certes été reconduit jusqu’en 2024. Sauf que le marché du logement neuf fait face à une pénurie d’offres. Sans compter les difficultés pour financer son projet.

Il était, en principe, censé prendre à la fin de cette année. Mais la loi de finances pour 2021 a fina­lement acté une nouvelle prolongation du Pinel. Le dispositif en faveur de l’investissement locatif dans le neuf n’expirera donc pas le 31 décembre 2021, mais le 31 décembre 2024. Une bonne nou­velle, a priori, pour ceux qui n’ont pas encore eu l’occasion d’en profiter.

 

EXIT LES MAISONS INDIVIDUELLES !

Il n’empêche que si la loi Pinel bénéficie d’un sursis supplémentaire, cette prolongation s’accompagne de nouvelles règles du jeu. Cela se traduit d’abord par un champ d’application plus restreint de ce mé­canisme. En effet, depuis le 1er janvier dernier, cet investissement immobilier ne concerne plus que les investissements effectués dans les bâtiments d’habitation collectifs – et donc pour l’achat d’ap­partements situés dans les zones géographiques où la demande locative est plus forte que l’offre de  logements.

En d’autres termes, les maisons indivi­duelles neuves situées dans ces zones dites « tendues » – Abis, A et B1 – ne sont désormais plus éligibles à la loi Pinel, et ce, même lorsqu’il s’agit de villas individuelles construites de manière jumelée, voire en bande, au sein d’une copropriété. Seuls ceux qui ont déposé un permis de construire l’an passé peuvent bénéficier du Pinel sur une maison. Pour rappel, c’est la loi de finances 2020 qui avait adopté ce principe, mais avec une entrée en vigueur décalée d’un an. Un choix que certains trouveront regrettable, dans la mesure où un tel montage of­frait la perspective d’une belle rentabilité.

« La principale évolution du dispositif Pinel réside dans l’amenuisement au fil du temps des avantages fiscaux offerts par sa mise en place ».

 

AVANTAGE FISCAL ABAISSÉ

Mais la principale évolution du dispositif réside dans l’amenuisement au fil du temps des avan­tages fiscaux offerts par sa mise en place. Pour les deux années à venir, les taux de réduction d’impôt offerts par la mise en location du logement restent identiques à ceux appliqués avant la réforme (pour rappel, le bailleur dispose d’un an maximum après l’acquisition ou la livraison du bien pour le mettre en location, faute de quoi le logement n’est plus éligible au dispositif fiscal).

Ainsi, pour un bien neuf acquis ou ache­vé en 2021 ou en 2022 dans le cadre d’un investissement Pinel, il est toujours possible de bénéficier d’une réduction d’impôt de 12% du prix de revient de l’opération (prix immobilier + frais de notaire) si le bien est mis en location pour une durée minimum de six ans. Le taux est maintenu à 18% pour une période d’engagement neuf ans, et à 21% si l’engagement est prolongé jusqu’à douze ans.

En résumé, un investissement Pinel engagé cette année et l’an prochain (toujours dans la limite de deux opérations par an, pour un montant total de 300.000 euros et dans le respect d’une limite de loyer maximale applicable aux locataires du loge­ment) ouvre donc droit à une réduction fiscale maxi­male de 63.000 euros. C’est ensuite que les choses vont bouger.

Dès 2023, l’avantage fiscal procuré par le Pinel va être réduit. Pour un investissement effectué cette année-là, les taux de réduction descendront res­pectivement à 10,5%, 15% et 17,5% pour les engage­ments à une période locative de six, neuf et douze ans. Pour une opération menée en 2024, ces taux se verront encore affaiblis, puisqu’ils tomberont res­pectivement à 9%, 12% et 14%.

 

EXCEPTIONS AU COUP DE RABOT

Il faut néanmoins savoir que certains logements fe­ront exception à cette baisse progressive de l’avan­tage fiscal. Il s’agit tout d’abord des investissements menés d’ici le 31 décembre 2024 dans des biens neufs situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Là, les taux de réduction resteront identiques à ceux pratiqués actuellement 12%, 18% et 21%).

De même, le dispositif actuel demeure inchangé pour les logements qui ont fait l’objet de lourds tra­vaux de réhabilitation et qui, à ce titre, sont considé­rés comme ayant bénéficié d’une remise à neuf.

Enfin, il en va de même pour les investissements réalisés d’ici la fin 2024 dans des logements qui afficheront des performances énergétiques et en­vironnementales supérieures à la réglementation en vigueur (la réglementation thermique RT2012 ou RE2020, selon la date d’achat). Une opportunité qui laisse peut-être entrevoir, à terme, l’essor d’un « Pinel vert » ?

 

DÉFICIT D’OFFRE 

Certains, à l’instar de Renaud Cormier, le vice-président de l’Association française de l’immobilier locatif (Afil), voient dans la prolongation du Pinel une reconnaissance de l’utilité de ce  dispositif pour tous ceux qui souhaitent se constituer un patrimoine immobilier ou préparer leur retraite. Il n’empêche que si la loi Pinel gagne un sursis de trois ans, elle ne profite pas forcément d’un envi­ronnement propice à sa réalisation.

Cela se traduit tout d’abord par une offre asséchée de logements neufs. Selon les données communi­quées mi-février par le ministère de la Transition écologique, les réservations et les mises en vente de logements neufs ont chuté de près de 25% en 2020.

L’an passé, plusieurs facteurs ont particulièrement compliqué les projets des promoteurs. On peut bien sûr citer les élections municipales de mars : tradi­tionnellement, dans les mois qui précèdent ce scru­tin, les édiles en place ralentissent la cadence des constructions. Mais la crise sanitaire liée à l’épidé­mie de Covid-19 a encore accentué le phénomène, puisque l’entre-deux tours a connu une durée ex­ceptionnelle (ce n’est que le 28 juin 2020 que les électeurs ont été appelés aux urnes pour le second tour !).

Conséquence directe : selon la Fédération française du bâtiment (FFB), seuls 380.000 logements ont été autorisés à la construction en 2020, ce qui repré­sente 65.000 permis de moins que l’année précé­dente. Et si la FFB prévoit une reprise de l’activité cette année, elle juge que cela ne permettra pas de rattraper la chute de 15% enregistrée l’an passé.

Cette pénurie affecte, bien sûr, directement l’in­vestissement locatif. Une région reflète particu­lièrement cette situation : l’Île-de-France. Dans un communiqué publié le 24 février dernier, le Centre d’analyses et de prévisions immobilières (Capem) indique que « l’investissement locatif connait sa plus forte baisse depuis la mise en place du dispo­sitif Pinel avec 8.000 lots vendus en 2020 ». Soit un affaissement de 48% par rapport à 2019. Dans ce contexte, la demande d’investissement reste forte mais elle s’exerce sur un choix plus réduit.

FINANÇABILITÉ DÉGRADÉE

Dans le même temps, les conséquences écono­miques de la crise sanitaire ont généré l’an pas­sé une augmentation du taux de désistement à l’égard de l’investissement locatif. En premier lieu, compte tenu de la conjoncture, la perspective pour un bailleur de devoir être confronté à une multiplication de loyers impayés de la part des locataires a sans doute fait réfléchir nombre de candidats au Pinel.

Autre élément à prendre en compte : les recom­mandations, émises en décembre 2019 par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) en matière de conditions d’octroi de crédits immobiliers ont blo­qué de nombreux dossiers de financement l’année dernière, principalement à cause de la règle des 33% d’endettement. L’.assouplissement des res­trictions du HCSF, annoncées fin décembre 2020 – et notamment le taux d’endettement augmenté à 35% – constitue toutefois une lueur d’espoir pour les investisseurs en locatif, lourdement pénalisés par les anciennes règles. Même si l’incertitude de la reprise de l’économie, de la hausse du chômage et l’ombre du nouveau coronavirus incitent plus que jamais les banques à la prudence dans le finance­ ment des nouveaux projets.

L’avenir du Pinel étant réglé à court terme, une question se pose : par quoi le dispositif sera-t-il remplacé après 2024 ? Il est, à ce stade, impossible de répondre. Une chose est sûre : la réforme im­ pose au gouvernement la remise au Parlement, avant le 30 mars prochain, d’un rapport recom­mandant « des dispositifs de soutien au développe­ment de l’offre de logement locatif intermédiaire, favorisant une implication accrue des investisseurs institutionnels».

 

Article issu du Mag 3AO n°65 de mars 2021